jeudi 14 décembre 2023

MAURITANIE 2023


RETOUR EN ZONE ROUGE 

A Francis avec qui nous avons voyagé avec tant de plaisir

Il y a un an, nous rentrions de Mauritanie. Un voyage compliqué, épuisant, décevant, malgré quelques moments extraordinaires. Nous ne pouvions rester sur un souvenir aussi mitigé, un voyage au bout duquel nous n'avions pas pu aller.
Alors, balayant nos inquiétudes nous avons vite décidé ce " Retour en zone rouge". Le groupe s'étant étoffé, j'ai aussi cherché à compléter le parcours de 2022 en y apportant quelques variantes. 
Dans la partie nord, le parcours de Tioulit à Akjout ne nous ayant pas particulièrement séduit, et le but n'étant pas la visite approfondie de cette région, nous reprendrions la piste du train. Elle aurait l'avantage de faire connaitre Aïcha et Ben Amira à ceux qui n'y étaient pas encore allé  et de poursuivre jusqu'à Choum pour visiter l'ancien tunnel de la voie ferrée et voir un autre point repéré sur le parcours. 
Après Atar, petit détour dans l'oued Abiod, histoire de rejoindre Oujeft et la route de Tidjikdja que nous quitterions après Aïn Sefra pour un autre détour par la palmeraie de Talmest que personne ne connaissait.
Ensuite, descente vers l'Aouker ou devait se passer l'essentiel de notre périple. Bien sûr, cette année supplémentaire de préparation m'avait permis de compléter le parcours et les visites d'une région que, malgré tout nous avions déjà abordée.

Les premières approches sont souvent les mêmes : Une fois les dates fixées, nous avons réservé nos traversées maritimes. Là encore, pas de surprise, ce serait une nouvelle fois Sète/Tanger.
Puis nous avons organisé une réunion de préparation ou tout le monde se retrouve afin de finaliser l'itinéraire et se mettre d'accord sur les différents aspects pratiques.

Le 4 Octobre 2023, arrive enfin le jour du départ. Nous nous retrouvons à Sète. Embarquement, traversée, Le 6 nous arrivons au port de Tanger-Méd. Formalités à bord, débarquement, formalités à la police et à la douane, change. Nous prenons l'autoroute et le  premier soir nous sommes à Marrakech.



L'idée est de parvenir rapidement à la frontière mauritanienne, donc nous ne trainons pas sur la route. Heureusement il y a encore de l'autoroute jusqu'à Agadir, et ensuite, l'état de la route s'est largement amélioré jusqu'à Dakhla. Les travaux se sont poursuivis, la route de Guelmin à Tan Tan est bien avancée, et la mise à 4 voies de Tan Tan à Laayoune est réalisée sur la  partie la  plus importante. Donc après une journée de 560 km, nous bivouaquons avant Tan Tan. Le lendemain, après un kilométrage sensiblement identique, nous nous posons une cinquantaine de kilomètres après Boujdour.
Le rendez-vous étant pris avec notre "passeur", nous disposons de 3 jours pour nous présenter à la frontière et pouvons donc lever un peu le pied. Vers midi nous arrivons en vue de la baie de Dakhla et pouvons donc en profiter, comme à l'habitude, pour allez déguster des  huitres en face de Dune Blanche. 

Et puis nous repartons tranquillement pour une petite centaine de kilomètres et bivouaquons au niveau de la baie de Cintra.
Le lendemain, nous arrivons à Bir Gandouz où, après un arrêt à l'hôtel Barbas pour une dernière connexion wifi marocaine, nous complétons nos courses avant un super repas de poissons dans un petit restaurant local. Après déjeuner nous faisons un détour sur la côte jusqu'au port de Lamirhis. Nous nous arrêtons ensuite à une vingtaine de kilomètres du poste frontière marocain.

Le jour J est là, nous partons pour être à l'ouverture du poste frontière marocain. Il y a déjà quelques voitures dans la file et des camions attendent également leur tour. 9 heures, 10 heures, il ne se passe pas grand chose, Rien n'avance vraiment ; 11 heures, midi, toujours rien, ce n'est même pas du compte-goutte ! Vers 16 heures, nous franchissons enfin le portail du poste de douane, et l'attente continue.
Nous apprenons bientôt que le scanner était en panne. Passant devant quelques camions, nous nous soumettons à la formalité, et apprenons en en sortant qu'il est trop tard pour quitter la douane marocaine.
Les véhicules resterons donc sous douane, et pour l'ensemble des personnes concernées, nous devons retourner au Maroc et trouver un hôtel à nos frais. Mais promis demain matin on passera en priorité ! C'est comme si on avait gagné un pass V.I.P.
Dont acte le 12 : Tout se passe un peu plus rapidement - compter quand même près de 2 heures - et nous arrivons enfin au poste mauritanien ou nous attend notre passeur. Bureau de police, chien renifleur, bureau des visas ou un canapé attend les visiteurs : Bienvenue en Mauritanie. Tout cela avance doucement encore. Je me rends ensuite au bureau de Douane pour faire valider le "passavent", document d'admission temporaire du véhicule. La famille du douanier est originaire de Tichitt, mais il m'indique que lui-même n'y est jamais allé car son père avait quitté la ville avant sa naissance pour s'établir à Moudjéria. Je lui dis que Tichitt fait parti de notre voyage et que nous y passerons dans quelques jours.

Et puis nous effectuons le change avec notre passeur, terminons par le bureau de police de sortie et enfin nous récupérons notre assurance mauritanienne. 
Nous avons passé 2 heures et demie quand même, mais c'est largement mieux qu'au poste marocain ! Mauritanie 1 - Maroc 0 on verra au match retour !

Nous quittons donc Guerguérat et ses bureaux de douane un peu avant 14 heures, rejoignons la route de Nouakchott et avançons jusquà Bou Lanouâr qui se trouve une quarantaine de kilomètres plus loin.
Comme dans beaucoup de villages mauritaniens, dès que l'on quitte la route on se retrouve dans le sable et à 14 heures à Bou Lanouâr, il est mou, très mou. Nous devons donc envisager rapidement une opération collective de dégonflage. Quelques villageois assistent aux opérations ou proposent de l'aide, mais nous repartons assez vite en contournant les débris du village.
Après un arrêt repas à quelques kilomètres de là sous un arbre inespéré, nous repartons pour 80 km de plus, le temps de se remettre dans l'ambiance du sable et de voir passer quelques trains.

Pendant la journée du 13, nous circulons toujours le long de la voie ferrée. Nous la traversons pour rejoindre le monolithe Aïcha, moins imposant que Ben Amira qui s'élève à plus de 600m et dont nous nous approcherons demain. Nous nous installons à l'ombre de Aïcha car la végétation est rare. Il est tôt et nous en profitons pour redécouvrir les nombreuses pierres sculptées sur le site.
Au matin suivant, nous faisons le tour de Aïcha et rebroussons chemin jusqu'à Ben Amira. Le temps d'une petite halte pour quelques photos  et nous reprenons la piste au sud de la voie ferrée. 



Après 80 km et avoir croisé un 4x4 mauritanien, nous arrivons à Choum. Choum est une ville au milieu du désert. Quelques habitations en pierre, pas grand chose à voir, nous traversons la ville en croisant quelques habitants et quelques animaux.
Notre projet est d'aller visiter l'ancien tunnel ferroviaire qui se trouve au nord-est de la ville. Nous le rejoignons assez facilement, le parcourons et nous installons à l'entrée nord pour y déjeuner en profitant de l'ombre.
Le tunnel d'environ deux kilomètres a été percé dans la montagne en 1962, entrant et ressortant du même côté de celle-ci pour ne pas empiéter sur le territoire Espagnol du Río de Oro. En 1991, et pour seulement 4 kilomètres, la voie ferrée a été reconstruite au pied de la montagne, dans la partie du Sahara occidental contrôlée par le front Polisario. Le tunnel a été abandonné. Ce tunnel a une pente forte et les motrices à plein régime arrivaient à l'entrée du tunnel à une vitesse de 60 km/h en ressortaient à une vitesse de 5 km/h.
Après cette visite, nous prenons la route qui relie Zouerate à Atar et Nouakchott. 
J'avais repéré depuis longtemps un ancien campement qui aurait pu être la résidence d'été du gouverneur français de Mauritanie Pierre Messmer. Le camp est indiqué sur la carte, et une piste mène à la zone où plusieurs bâtiments subsistent. Nous aurions bien, nous aussi, posé notre camp dans les environs, mais la population est trop nombreuse, et nous partons chercher un endroit plus tranquille.
Mais Atar n'est plus très loin et les zones d'habitations sont de plus en plus rapprochées, alors nous devons nous résoudre à nous arrêter, après Ksar Torchane, dans un endroit qui est simplement tranquille, mais  sans aucun charme.
Le matin du 15, nous n'y perdons pas trop de temps et reprenons la route pour Atar. Comme à l'habitude, nous y ferons quelques courses et les pleins de carburant.  Nous achetons l'eau et l'épicerie avant d'entrer dans le centre-ville où nous allons nous plonger dans les ruelles pour acheter pain, fruits et légumes délaissant la viande et le poisson qui parfois finit haché dans de petits sachets. Nous finissons par la station-service pour réapprovisionner nos réservoirs mis à mal par les 700 km que nous venons de parcourir.
Puis nous reprenons la route vers le sud jusqu'à la piste de l'oued el Abiod. Après le déjeuner, nous nous arrêtons auprès d'une habitation. L'eau s'écoule d'un tuyau et fini le long de la piste. Une dame nous fait comprendre qu'il alimente son habitation mais qu'il est coupé. nous en profitons pour remplir nos réservoirs avant de remettre le tuyau en état. La dame est satisfaite, et nous aussi. Nous pénétrons bientôt dans l'Oued Blanc ou le sable blond est retenu par les falaises noires. Nous laissons à notre droite la passe de Tifoujar et roulons dans l'oued en évitant  les zones de sable trop mou. Nous nous arrêtons sur un bord de l'oued avant la remontée sur Oujeft.
La piste remonte dans le relief en traversant plusieurs hameaux. Auprès de quelques habitations nous sommes surpris par la présence de quelques vieilles Mercédès délabrées car il ne nous parait pas possible d'arriver ici avec de  telles voitures... mais elles sont bien là, et quand on voit la suite de la piste et les montées dans le sable, on se sent comme des amateurs face à ces vrais "As du désert". 
A Oujeft nous retrouvons la route. Il nous reste une belle distance avant notre prochaine destination. Près de 250 km avant de laisser la route de Tidjikja pour prendre la direction la palmeraie de Talmest. Nous roulons toute la matinée et nous arrêtons après Aïn Sefra pour déjeuner. Toute la matinée, nous avons essentiellement traversé ou longé des zones rocheuses entre-coupées d'oueds. Mais après Aïn Sefra le paysage change et s'aplanit et le sable reprend ses droits s'invitant parfois sur la route que nous quittons bientôt pour retrouver le sable et les barkhanes, mais aussi une zone de cailloux difficile à franchir. Mais le paysage est magnifique et varié et en fin d'après-midi nous sommes en vue de la palmeraie de Talmest. Nous bivouaquons au milieu de gros cailloux et à proximité de nombreux tumulus.
 

Talmest se situe à une soixantaine de kilomètres au nord de Tidjikja. Nous les parcourons au matin dans un paysage de pâturages, de dunettes et de collines rocheuses. Le trajet est relativement aisé et nous arrivons à Tidjikja vers midi. Nous traversons la piste de l'aéroport pour accéder au centre ville. Le programme sera sensiblement le même qu'Atar : Courses et pleins de carburant, mais nous devons prévoir beaucoup plus, car le prochain ravitaillement se trouve à 800 km, c'est à dire dans au moins une semaine.
A la station service, un gendarme vient récupérer notre fiche et s'enquérir  de notre prochaine destination. Nous discutons quelques instants, et il m'indique que l'ambassadrice des Etats Unis est actuellement en visite à Tichitt.

Nous déjeunons à la sortie de la ville et reprenons notre progression. Une fois sorti de Tidjikja, la piste est facile à suivre. D'une part parce qu'il suffit de suivre les traces des gros camions qui approvisionnent Tichitt, mais surtout parce que cette piste est balisée avec de gros piquets en béton peints en rouge et blanc.
Dans l'après midi, nous pouvons vérifier l'information du gendarme. Nous voyons arriver plusieurs gros 4x4 tout neufs, aux vitres teintées et à l'allure rapide. Mais  la conduite parait aussi incertaine que rapide, et fort heureusement nous laissons place car ces véhicules paraissent avoir quelques difficultés à sortir du rail tracés par les camions. Nous en apprendrons plus tard la raison puisqu'il s'agissait de véhicules blindés.
Nous mettons deux jours pour arriver à Tichitt. Le parcours se déroule tranquillement, et même si le sable est parfois mou, nous ne rencontrons aucun problème. Ce n'est pas le cas de tout le monde, car à 2 reprises nous passons à côté de camions en panne. Ces camions d'un autre âge font la liaison avec Tichitt qu'ils approvisionnent de toutes les denrées nécessaires. Mais ils sont vieux, très vieux, et lourdement chargés. Alors les pannes sont fréquentes, mais les équipages en ont l'habitude. Alors, lorsqu'on s'arrête près d'eux pour savoir s'ils ont un problème, la réponse est "non, tout va bien", même si  le camion est sur des cales et le pont en pièces détachées sur une bâche.  Ils déjeunent, prennent le thé ou se reposent. Ils attendent les secours... qui viendront bien un jour !


Au matin du 19 Octobre, nous parcourons la vingtaine de kilomètres qui nous séparent de Tichitt qui survit dans cette terre austère et inhospitalière. Une ville de 4000 habitants coincée entre les roches et le désert du Tagant et l’interminable erg d’Aouker. Nous y étions déjà passé rapidement l'an dernier et nous étions rendus à la gendarmerie et au collège. Cette année encore, nous commençons nos visites par la gendarmerie, pensant ensuite retourner au collège déposer quelques fournitures.
A la gendarmerie, nous sommes reçu par le sous-officier qui est arrivé en poste après notre précédent passage. Après la traditionnelle fiche, nous obtenons l'autorisation de remplir nos réservoirs d'eau. Pendant que les réservoirs se remplissent, la discussion continue et nous expliquons notre précédent passage et notre désir de rendre visite au collège. 
Quelques instants plus tard, le gendarme nous prie d'attendre : Un guide qui est le planton de la mairie va venir et nous accompagner chez le Hakem puis à la mairie. Nous sommes très surpris et un peu génés car il n'est bien sûr pas question de repousser la proposition. Nous suivons en convoi le guide qui marche devant nous et nous conduit devant un grand bâtiment qui est le siège de la Moughataa.
Tout ceci nécessite évidemment explication mais est assez simple :
La Mauritanie est divisée en 15 wilayas qui sont les régions, chaque région étant elle-même divisée en département : la moughataa administrée par le hakem. Le hakem est le préfet. Dans la wilaya du Tagant, il y a 3 Moughataas : Moudjeria, Tidjikja et Tichitt qui est la plus étendue
Nous sommes donc accompagnés dans une salle d'attente à l'intérieur du bâtiment. Le préfet nous reçois quelques instants après. Le bureau est grand et climatisé. L'homme est jeune, il s'exprime dans un excellent français. Le dialogue est simple et courtois et devient assez détendu. Il se renseigne sur notre voyage, nos motivations de voyage dans cette région. Lui-même est originaire du sud du pays au bord du fleuve Sénégal. Nous apprenons, avant de prendre congé, qu'il a reçu l'avant-veille l'ambassadrice des Etats Unis.
Le guide nous attend. Il nous conduit un peu plus loin à la mairie. Nous y trouvons le professeur du collège et l'adjoint au maire. Nous lui donnons notre lot de fournitures, Nous passons encore un moment en discussion avant de faire quelques photos, puis nous prenons congé. Le guide nous accompagne ensuite pour une visite de la ville ou plusieurs bâtiments, dont la mosquée, ont été restaurés. Les réceptions ont occupé toute notre matinée. 

Il est temps de reprendre la piste et de trouver quelques arbres pour déjeuner avant le point suivant. Il ne se trouve qu'à une trentaine de kilomètres, mais nous demandera un peu de temps pour y parvenir car il y a, après le village d'Akhrijit, une passe sableuse très pentue à franchir. Akreijit est certes la ligne de démarcation entre la zone orange et la zone rouge, mais c'est surtout un des sites néolithiques majeurs de la Mauritanie. Il a en particulier été exploré par Théorore Monod, ce qui lui vaut le surnom de "Monodville". 

Le site se situe en hauteur sur la falaise qui domine la région de l'Aouker. A partir de la cabane du gardien il y a un escalier de quelques centaines de marches qui permet d'y accéder. le gardien nous accompagne. Nous arrivons sur le site ou les murets dessinent les habitations et les rues. L'ensemble s'étend au loin laissant deviner la taille importante du lieu. le sol est jonché de débris de poterie et différents outils, dont principalement des meules, sont rassemblés sur quelques emplacements. Nous passons près de 2 heures à la visite du site essayant de s'imaginer ce que pouvait être la vie ici il y a 4000 ans (plus de détails ici).

L'escalier redescendu, il est nous faut rejoindre la piste et trouver un endroit de bivouac car la fin de l'après midi approche.

Vendredi 20 Octobre : Après une heure de progression, nous arrivons à l'entrée du village de Touijinet. Nous nous arrêtons et très vite les habitants arrivent. Plusieurs femmes viennent nous présenter leur artisanat, surtout des articles en vannerie. Malgré la barrière de la langue, les négociations commencent, mais les prix sont assez fermes. Nous achetons quand même quelques corbeilles et poursuivons notre route. 
Du point suivant, Odette du Puigaudeau disait : « une sorte de cathédrale gothique sculptée par l’émeri du sable, les éclatements thermiques et le ruissellement des tornades« . Il s'agit de Makhrouga, "Le Rocher des Eléphants", l'un des sites emblématiques de la Mauritanie. Il s'élève à une trentaine de mètres de haut au milieu de désert et sa silhouette est visible à plusieurs kilomètres. Dans son prolongement, on aperçoit aussi "le Colosse de Zeiga" qui a servi de décor au film "Le 5ème Élément".
Nous nous arrêtons au pied de Makhrouga, déjeunons à son ombre, et explorons les lieux, les arches naturelles, les cavités, les oreilles, les trompes de ces éléphants de pierre qui s'élèvent devant nous. L'endroit est réellement fantastique, magique... incontournable !

Nous continuons, laissons le Colosse de Zeiga sur notre gauche et arrivons bientôt à Aratane. Aratane, c'est la frontière entre le Tagant et le Hodh el Chargui. Ca sonne comme un joli nom de village, pourtant, ce n'est qu'un point sur la carte qui se ne distingue que par ses quelques puits. Nous n'y croisons pas âme qui vive, mais seulement quelques dromadaires que nous n'intéressons que par l'eau que nous tirons d'un puit en attendant que leurs chameliers viennent les abreuver plus sérieusement.

En quittant Aratane, nous n'avons peut-être pas choisi la meilleure voie, et nous nous trouvons confrontés à une étendue caillouteuse. La progression est délicate, mais nous sortons de la zone pour atteindre Es Sba. Es Sba signifie "les doigts". C'est un ensemble de rochers perçant le sable, de colonnades naturelles, de toutes tailles, de toutes formes dont les plus exceptionnelles s'élèvent à plusieurs dizaines de mètres. 
Nous traversons le site et quittons le rochers  pour une zone sableuse que nous connaissons bien. C'est ici que l'an dernier nous avons du laisser un véhicule au fond d'un creux de dune. Triste pèlerinage, mais nous n'aurons pas cette année la folie d'y redescendre. Alors nous continuons encore un peu jusqu'à notre bivouac. 
Ici, nul besoin de s'éloigner de la piste, car il n'y en n'a pas. Depuis plusieurs kilomètres, nous inscrivons notre passage dans le sable. Trace éphémère, car dès le prochain souffle de vent elle disparaitra.

Le matin suivant, peu après notre départ, nous remontons vers le nord pour  découvrir un autre site néolithique important : Imedel El Abiod. Cette colline s'élève à 53 mètres et son accès est donc assez facile. Une petite promenade matinale nous permet de nous rendre sur les lieux. Lors de la préparation du voyage, j'avais découvert ce site, comme beaucoup d'autres, sur les photos satellites. On y voit très clairement les murets qui subsistent après plusieurs millénaires. Sur place, la vision est bien sûr toute autre. l'horizon s'étend devant nous, la masse sombre d'Imedel El Akhdar à 5 km, mais aussi les détails du site que le sable vient recouvrir. Une multitude de menhirs se dresse de toute part.
Comme à Akreijit, nous restons un grand moment à déambuler parmi les ruines avant de redescendre vers nos roulottes et poursuivre le voyage.
Après Imedel El Abiod, la falaise décrit un arc de cercle et s'oriente vers le sud. A cet endroit, qui s'appelle Boû Dhib un autre vestige nous attend, bien plus récent puisqu'il s'agit d'une piste d'atterrissage. Le terrain est naturellement très plat, mais le nom du lieu a été dessiné au milieu d'un grand cercle en  cailloux  assorti de quelques flèches indiquant certainement le sens d'atterissage. Selon notre guide, avec qui nous étions déjà passé l'an dernier, cette piste aurait été utilisée dans les années mil neuf cent quarante.
Suivant la courbe de la falaise, nous progressons maintenant vers le sud. Le paysage se modifie et le terrain change de couleur. La roche noire se mélange au sable blond avant de devenir omniprésente, Le décor devient lunaire, nous entrons dans le massif d'Enji. La piste grimpe dans les cailloux, le sol devient plus agressif, mais le paysage est extraordinaire. Après le sommet, la piste descend dans un long oued sableux, puis son tracé reprend le long de la falaise. Après ce magnifique parcours, nous bivouaquons aux environs du puits d'Oujaf.

Au matin suivant, nous approchons d'un nouveau site repéré sur les images satellites. Il n'a pas l'importance des précédents, mais nous décidons quand même d'y faire un détour. Les abords étant plus caillouteux, la promenade sera un peu plus longue. Nous franchissons de petits escarpements rocheux et arrivons dans le "village". Là aussi, nous trouvons quelques murets affaissés et des tessons de poterie mais il y a aussi plusieurs tumulus. Il nous faudrait des experts pour savoir s'ils datent de la même époque.

La visite terminée  nous reprenons le parcours, croisant quelques puits et quelques troupeaux. En milieu d'après-midi nous nous arrêtons à une trentaine de kilomètres de Oualata
Cette nouvelle semaine commence donc par la visite de Oualata. Les 30 km parcourus, nous arrivons à la gendarmerie qui se trouve à l'entrée de la ville. Nous remettons notre fiche et avançons vers les habitations. Oualata est une petite ville oasis du sud-est de la Mauritanie. Elle est située à l'extrémité orientale de l' Aouker. En 2000, elle comptait près de 12 000 habitants . Elle est le point le plus à l'est de notre voyage. Elle fut une ville caravanière importante aux XIIIe et XIVe siècles en tant que terminus d'une route commerciale transsaharienne et est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Aujourd'hui une partie de la ville ancienne est en ruine, mais elle reste malgré tout réputée pour les décorations des portes dont les dessins géométriques lui donnent un style particulier. Malgré le festival des villes anciennes qu'elle a encore abrité en 2023, Oualata souffre d'un déficit touristique indéniable lié à sa situation géographique et à son classement en zone rouge.
Mais Oualata a également connu une présence française. Son ancien fort colonial triangulaire a été construit en 1912 pour les unités méharistes françaises. Situé sur une colline, Il domine le terrain. Un petit cimetière militaire français a été créé au pied de celle-ci. La porte est peinte en bleu blanc rouge.. On y trouve quelques tombes qui portent les noms de militaires français morts en 1913, 1914 et 1942. Une tombe est celle d'Albert Bonnel de Mézières qui administra la région au début du XXe siècle et qui est mort en septembre 1942 à Oualata.
Nous nous arrêtons visiter le cimetière avant de monter jusqu'au fort. En chemin, nous rencontrons un homme qui nous propose de venir déjeuner dans son "auberge". Il s'appelle  Moulay Ahmed Ould Dé et tient l'"Auberge de l'Amitié". Bien que sa proposition ne soit pas vraiment un prix d'ami, nous acceptons d'aller déjeuner chez lui. Il nous conduit et nous fait entrer dans les lieux. Il sollicite le versement d'un acompte pour aller faire les courses, et nous attendons en buvant le thé, enfin les thés. Plus d'une heure passe. Nous commençons à sentir des effluves monter de la cuisine… mais il faut attendre encore ! Enfin, après plus de 2 heures, le plat arrive. C'est un ragout de dromadaire, oignons, carottes, accompagné de riz, et l'ensemble est excellent. Il sera d'ailleurs absorbé en beaucoup moins de temps qu'il en a fallu pour sa préparation. Mais le moment fut agréable, et nous quittons notre hôte, avec la consigne de faire un nouvel arrêt à la gendarmerie. Cette fois, je pénètre dans la cour, et j'y trouve le gendarme du matin. Il me demande notre destination -Néma-, et je lui indique que nous allons nous arrêter en route et y arriverons le lendemain.

Le lendemain donc, nous reprenons la piste pour Néma. Après une crevaison et un changement de roue nous arrivons dans la capitale du Hodh El Chargui. Après notre expérience de 2022, nous pouvons presque dire que nous y avons nos habitudes. Nous y faisons nos ravitaillements, retournons à l'hôtel ou nous avions logé faire les pleins des réservoirs d'eau et nous arrêtons chez Mauritel pour trouver une connexion wifi. Je fais aussi réparer ma roue, et une heure plus tard nous repartons vers l'ouest pour un nouveau parcours de près de 500 km.
Le choix de cet itinéraire nous permet de découvrir la partie sud de l'Aouker en évitant la route de l'espoir. L'option choisie présente des incertitudes, car aucune carte n'indiquant notre parcours, j'en avais relevé la totalité sur les photos satellites en prenant parfois le risque d'un terrain sur lequel je n'avais pas d'information. De plus, dans cette région, beaucoup de pistes sont orientées Sud/Nord, allant de la route vers les villages, les hameaux ou les puits alors que notre axe principal est Sud-Est/Nord-Ouest.
 
La sortie de Néma nous laisse d'abord un répit puisque la piste est assez bien tracée jusqu'à Agwenit. Le terrain que nous rencontrons ensuite est plutôt plat et facile, même si nous avons à aborder quelques dunettes ou collines. Nous sommes aussi surpris par d'autres particularités géographiques telles qu'une forêt. Nous n'avons jamais la sensation de traverser un désert. Tout au long de ce parcours, nous rencontrons des villages, des puits, des bergers, des troupeaux. Après Agwenit,  nous passons par Tourouchin, Kehoula, Bou Derga, El Mabrouk... et tant d'autres endroits où la vie existe et où aucun nom n'est mentionné sur la carte. 
Souvent nous nous sommes arrêtés en ces lieux, avons rencontré ces bergers et ces hommes qui inlassablement tirent de l'eau des puits pour satisfaire la soif de leurs nombreux troupeaux de vaches, dromadaires, chèvres ou moutons. Le plus souvent, ils se déplacent  à pied ou sur leur magnifique monture. Dans l'un de ces villages aux mille bêtes, nous rencontrons un malien qui puise de l'eau. Il parle bien français et nous pouvons bavarder un moment. Plus loin, c'est un directeur d'école qui vient à notre rencontre dans ce village qui se situe à plus de cinquante kilomètres de la route. Nous passons ainsi cinq jours dans ce paysage exceptionnellement beau et magique, contrastant tellement avec la vie qui est la notre. 
Les incertitudes du parcours nous font parfois suivre une piste qui finalement se détourne de notre itinéraire. Parfois nous devons trouver un passage à travers une barre rocheuse ou un champ de dunettes ou même rebrousser chemin. Parfois encore si le choix n'est pas le bon nous restons coincés entre deux touffes d'herbe à chameaux ou dans un passage de sable mou et devons faire usage de nos sangles. 
 
Au terme de cette traversée nous parvenons à Togba puis Aoudaghost.
Il s'agit de deux anciennes cités. Elles ne sont pas très éloignées puisque moins de 7km les séparent. Sur Togba, je n'ai trouvé  pratiquement aucune information. Pourtant le site est vaste et les vestiges de  la ville  présentent encore de nombreux murets en élévation. Au sud un cimetière s'étend, montrant l'importance qu'a dû avoir la ville.
Quand à Aoudaghost, C'est une ancienne ville caravanière et commerçante de l'empire du Ghana. Elle aurait été fondée au Ve siècle par les Berbères Zenaga et détruite en 1054 par les Almoravides. Convertie à l'islam, elle a continué à jouer son rôle de relais dans le commerce entre l'Afrique noire et le Maghreb.
 
Nous bivouaquons près de Togba avant d'aller visiter les ruines d'Aoudaghost au matin du 29 Octobre. Le site est clôturé mais sans entretien. Seuls les quelques chèvres et moutons qui divaguent entre les pierres, à la recherche de nourriture, semblent  assurer la maintenance des lieux. Après cette visite nous partons pour Tamchekett par le chemin des écoliers. Nous faisons une grande boucle qui nous conduit à une très belle passe sableuse au lieu de prendre la piste directe. 
Œuvre coloniale, Tamchekett est née en 1927 quand l’administration de l’époque y a construit des locaux pour ses bureaux, des maisons pour son personnel et pour les grands chefs de tribus…Toutes ces constructions ont été réalisées à base de banco. Comme à l'habitude quand nous arrivons dans une ville nous avons des besoins d'approvisionnement. Mais Tamchekett, avec ses 2000 habitants est plutôt un village, et un village plutôt mal desservi, même si depuis peu une route goudronnée facilite les choses. Les stocks sont réduits et le choix très limité. Il nous faut donc essayer de nous partager les rares denrées disponibles. Heureusement la station service n'est pas dans la même situation et nous pouvons repartir avec nos pleins en carburant, et heureusement car la prochaine station sera dans plus de 500 km. 
Nous quittons Tamchekett vers le sud par cette nouvelle route. Nous avons en effet rendez vous avec une guelta que nous n'avions pas trouvée l'an dernier. Après un bivouac nous nous engageons sur une piste. Depuis Tamchekett, le paysage a changé. Il est devenu plus accidenté et rocailleux la piste chemine entre ce relief et la végétation qui est devenue un peu plus dense. Puis nous arrivons à un village que nous traversons pour poursuivre la piste. 
Après quelques cultures, le terrain redevient sauvage et nous nous arrêtons en surplomb d'un petit vallon. Nous avançons en bordure de l'oued ou un filet d'eau s'écoule. Rien autour de nous , mais sur les rochers nous sommes surveillées par un groupe de babouins. Nous avançons encore. Le niveau de l'oued augmente légèrement, et bientôt nous apercevons un varan. L'animal fait bien deux mètres de long, Il  traverse l'oued qui s'est élargit et disparait de notre vue. Nous poursuivons notre chemin et bientôt arrivons sur la guelta. Nous y voyons plusieurs crocodiles qui très vite s'enfoncent dans l'eau. Nous restons un long moment à les observer sur les rochers qui entourent la guelta. Ils se laissent glisser au fond de l'eau puis remontent à la surface. Seule leur tête est vraiment visible, mais il est certain que notre présence les dérange.
Nous les laissons donc à leur vie paisible et reprenons le chemin inverse et déjeunons sous quelques arbres. Nous repartons ensuite pour un parcours compliqué. La piste se perd, et nous nous trouvons dans un enchevêtrement de rigoles et de fossés qui nous oblige à des détours, des contours et des retours. 

Nous trouvons enfin une piste qui nous sort de ces embarras. Elle ne va pas vraiment dans la direction souhaitée, mais nous en trouvons bientôt une autre qui nous ramène dans notre cap. Le lendemain connait aussi quelques difficultés mais le soir nous bivouaquons près de BouBleïne. 
Nous sommes à l'entrée de l'oued Tâskâst. Cet oued est en fait une longue plaine de plus de 100 km de long dont la largeur varie entre 1 et 2 km. Il est une longue saignée dans le relief des dunes de l'Aouker. Après un arrêt au bord d'une immense guelta, nous entreprenons sa remontée. Ici, nous n'avons pas besoin du GPS, c'est tout droit jusqu'aux falaises qui bordent l'Aouker. En cours de route, nous nous détournons vers quelques puits.  Le soir nous sommes au pied du Tarf Tâskâst ou nous apercevons la piste, aujourd'hui infranchissable, qui monte dans la falaise.
Une nouvelle journée commence. Aprés la remontée de l'oued Tâskâst, nous nous orientons à l'ouest  dans un couloir entre la paroi rocheuse et le massif dunaire. Ici encore, les troupeaux profitent de la végétation assez abondante et de la présence de puits.

Après le puit de Tmadé, le couloir se referme, laissant la place aux dernières dunes. La piste,  bien marquée en facilite le franchissement et puis nous arrivons sur le Megsem Boubakar (Megsem définit un col, un passage en montagne) qui marque la limite orientale du Tagant..  Le sable disparait et laisse la place à un terrain plus caillouteux nous quittons l'Aouker où nous venons de parcourir près de 2 000 km. 
Il nous reste encore 8 jours et une longue route pour atteindre la frontière. Mais nous devons d'abord rejoindre la route de  Moudjeria par la piste qui relie Tidjikja à Kiffa. Elle est actuellement en travaux car une route va bientôt la remplacer ce qui nous impose quelques détours. Mais le jour suivant nous rattrapons la route : N'Beika, Moudjeria, Sangarafa ou nous rejoignons la route de l'espoir, Magta Lahjar, Aleg et Boutilimit avant d’arriver à Nouakchott le 5 Novembre. Nous sommes déjà très loin de l'Aouker, de ses paysages et de ses nomades. La circulation est intense et désordonnée et les vieilles Mercédès dépassent en nombre les voitures récentes. 
Nous n'y restons que le temps de notre ravitaillement et roulons jusqu'à Chami pour un détour sur le Banc d'Arguin. Nous restons une journée au Cap Tafarit, et le vent s'étant levé, nous traversons le parc dans un brouillard de sable. Après un dernier bivouac comme nous n'en souhaitons à personne nous quittons la Mauritanie le lendemain. Et même s'il nous reste encore 12 pour traverser le Maroc avant de reprendre le bateau, c'est déjà la fin d'un magnifique voyage !