jeudi 8 décembre 2022

MAURITANIE 2022

Voyage en zone rouge


Depuis 2020, nous pensions à ce retour en Mauritanie. Après notre périple en Algérie,  le Covid et ses différentes phases de confinement et de variants nous ont laissé le temps de la réflexion et de la préparation. 

Malgré nos 3 précédentes expéditions,  les espaces restant à découvrir  sont encore infinis.  Et puis 2 axes se sont assez rapidement dessinés : Les sites néolithiques du sud-est et les gueltas à crocodiles. 

Au fil des discussions, des lectures, des consultations de cartes et d'images satellites, des recherches sur internet, le parcours prit forme.  Nous devions aller au delà  d’Atar, Chinguetti  où Tidjikja. Nous partirions à la découverte de Tichitt, l’Aouker et le Hod Ech Chargui jusqu'à Oualata et Nema. Une grande partie de notre  voyage se déroulerait donc en Zone Rouge.


Lors de notre équipée de  2019, nous avions déjà évoqué, lors de rencontres avec des responsables locaux,  la possibilité de se rendre dans ces zones. Les réponses reçues avaient toujours été positives, nous confortant dans notre projet. 

La diplomatie Française, lorsque l'on consulte ses pages de conseils aux voyageurs,  semble d'un avis  beaucoup plus  mitigé : www.diplomatie.gouv.fr/conseils-aux-voyageurs/mauritanie

Certes tous ces conseils ne sont pas de nature à nous inciter  à voyager en ces contrées,  et cela est bien normal,  il faut rendre les gens prudents ! Mais la couleur de la zone ne rend pas le terrorisme inoffensif dès lors qu'il est sorti de la zone rouge.  La France et sa capitale en ont fait la tragique expérience  à plusieurs reprises. 

Cependant, l’appréciation du risque, et donc de la couleur de la zone n'est évidemment pas la même vue sur place ou depuis les bureaux du quai d’Orsay. 

C'est sur ces considérations que notre parcours s'est écrit dès la fin de l'année 2021.

Le début 2022 n’ayant été propice ni à la navigation maritime, ni au passage des frontières, et la saison estivale n'étant pas idéale pour fréquenter les pays chauds,  nous avons remis notre départ à la fin du mois de  septembre 2022.

Le temps de traverser la méditerranée et de parcourir les 2500 km qui séparent Tanger de la Frontière Mauritanienne,  nous avons prévu notre entrée au Pays des Maures pour le début du mois d’Octobre. 

À la fin du mois de juillet,  nous réservons donc nos billets de bateau pour un départ de Sète le 26 Septembre. 

Le temps de l'été et des préparatifs de tous ordres et nous voici au port par un temps pluvieux.  Il n'y a ici rien de plus à dire sinon que la traversée se fait par une mer tranquille et que le débarquement à Tanger Med s'effectue  dans des délais record.

Et puis les kilomètres et les villes défilent : Rabat, Casablanca,  Marrakech,  Agadir, Guelmin, TanTan,  Tarfaya, Boujdour,  jusqu'à ce moment où notre ami Patrick apprend qu'il doit rentrer en France  en raison d'un grave accident de santé intervenu dans sa famille.  

Partis à trois véhicules,  nous décidons tristement de poursuivre à deux, sans lui  ni Marie-France, sa  coéquipière... Laayoune,  Dakhla que nous évitons en prenant quand même le temps d'acheter quelques huîtres,  puis Bir Gandouz ou nous faisons encore quelques courses.

La frontière est  à moins de  100 km. Nous arrivons,  avec Michel, bien avant l'ouverture. La file est encore réduite. Une quinzaine de véhicules et quelques camions.  Parmi eux,  un couple de polonais,  et 2 jeunes,  lui français, elle  danoise qui projettent la traversée de l'Afrique jusqu'au Cap. Le poste marocain est encore en travaux,  il faut aller d'un guichet à l'autre,  mais les formalités se déroulent au rythme habituel. 

Nous partons vers la frontière Mauritanienne via le  no man’s land où les choses se sont bien arrangées puisque les berlines peuvent maintenant le traverser sans risquer la mise en épave immédiate. 

A l’arrivée,  notre "passeur" nous attend et fait avancer les formalités. Vers 13h30 tout est enfin réglé, et nous pouvons prendre la route. 

Nous avions décidé de ne pas emprunter une nouvelle fois la piste du train pour rejoindre Atar. Nous attendons donc  Tioulit pour trouver la piste qui rejoint  Akjout en passant  par  Benichab.

Le temps est couvert et le paysage voilé par un vent de sable qui semble s’adoucir au fur et à mesure de notre éloignement de la côte Atlantique, mais la température est déjà élevée. Le thermomètre affiche 41°. Il nous faudra 3 jours pour rejoindre Atar. Nos provisions sont suffisantes, mais après plus de 800 km, il est temps de refaire les pleins de carburant.

Nous ne restons donc que peu de temps à Atar que nous avons déjà eu l'occasion de visiter lors de nos précédents voyages et nous quittons la ville par la piste de Chinguetti. Après 25 km nous quittons cette piste pour nous orienter vers le sud. Notre programme prévoit en effet de nous rendre tout d'abord au cratère d'Aoueloûl, puis à la guelta d'El Berbara avant de revenir sur l'ancienne piste pour rejoindre Aïn Sefra.

La première partie du trajet se déroule sans encombre et nous arrivons à El Berbara en fin d'après-midi. Le village est complètement abandonné et la guelta souffre malheureusement d'un manque d'entretien, et les palmiers emportés par les crues ou les maladies dépérissent dans l'eau de la guelta.

Nous repartons vers l'est et bivouaquons à quelques encablures du village abandonné. Le lendemain, nous rejoignons la piste qui doit nous conduire à Aïn Sefra où nous devons normalement trouver la route qui mène à Rachid puis Tidjikdja. Mais après une trentaine de kilomètres, alors que la piste serpente vers un petit col, c'est l'arrêt. Il n'y a plus de piste praticable, mais des ornières de près d'un mètre impossibles à franchir ou à combler. Il nous faut donc nous résoudre au demi-tour.


Nous reprenons donc le chemin en sens inverse et posons notre bivouac à proximité de celui de la veille. Nous avons parcouru 90 km dans la journée, mais Aïn Sefra est encore loin. Le jour qui suit nous ramène encore sur nos traces. Nous repassons devant le cratère d'Aoueloûl. Mais à la sortie d'un campement nomade, un Hilux démarre devant  nous.
Il nous parait certain qu'il se rend à Chinguetti, et nous suivons ses traces. Nous le perdons de vue, puis le retrouvons, jusqu'à le perdre définitivement. Après un petit col sablonneux, nous longeons la batâh sur une trentaine de kilomètres. Celle-ci porte encore les traces des dernières inondations. Nous rentrons dans Chinguetti. En dehors de quelques gamins à l'affût de cadeaux, la ville est tranquille. Nous nous réapprovisionnons en eau et carburant et reprenons la piste... direction Atar ! 60 kilomètres de tôle ondulée plus loin, et nous bouclons la boucle. Nous revoici à la jonction de l'ancienne et la nouvelle piste pour Aïn Sefra. Nous bivouaquons après une trentaine de kilomètres. 
Au matin nous traversons la palmeraie de Mhaireth, puis Oujeft. Plus loin, la route a été totalement emportée par les inondations. ce n'est plus qu'un amoncèlement de morceaux de goudron au milieu de tas de sable. Un peu plus loin encore, à mi-chemin entre Oujeft et Aïn Sefra, la route est inondée, nous obligeant à un détour de plusieurs kilomètres sur une piste qui s'est créée pour la circonstance. Malgré tout, nous progressons rapidement sur cette route récente qui reste encore en bon état. Nous faisons une halte à la guelta de Taoujafet ou nous sommes surpris de voir que le niveau d'eau n'est pas tellement plus élevé que lors de notre passage en 2019.

 Après Rachid, nous quittons la route pour un détour d'une dizaine de kilomètres qui nous mène à quelques belles peintures rupestres abritées sous des rochers en surplomb. Revenus au goudron, nous rallions Tidjikdja à la nuit. Nous trouvons un hébergement au camping local qui n'est occupé que par 2 couples d'italiens. 
Mardi 11 Octobre : début de notre deuxième semaine en pays maure. Selon l'accoutumée, nous commençons la journée par les courses avant de reprendre la piste. Principalement eau, pain, carburant. Nous repartons pour plus de 200 km sans très bien savoir ce que nous pourrons trouver à Tichitt. Les réserves sont donc au maximum.
Ayant prévu un détour par le Tarf Taskass, nous quittons Tidjikdja par une piste secondaire qui part au sud/est.  Très vite, la piste se transforme en traces, et les traces devenues inexistantes, nous nous retrouvons en hors piste. Sans être impossible, notre progression n'est pas très agréable dans ce terrain qui nous ballote dans tous les sens. Après une trentaine de kilomètres, nous décidons d'abandonner notre idée première, et remontons vers le nord pour retrouver la piste de Tichitt. Celle-ci est très facilement identifiable avec ses poteaux en ciment rouge et blanc. Etant toujours fréquentée, il suffit de suivre le rail tracé par les camions à roues jumelles, et malgré notre détour, nous parvenons  à Tichitt au matin du troisième jour.

Arrivés à Tichitt, nous nous rendons à la gendarmerie situé à la sortie sud de la ville. nous sommes reçus par le chef de poste à qui nous expliquons notre itinéraire et remettons les fiches de notre petit groupe. Nous obtenons l'accord de remplir nos réservoirs d'eau et rentrons nos véhicules dans l'enceinte de la gendarmerie le temps de cette opération. Puis nous retournons au "centre ville pour compléter nos courses. Passant devant le collège, nous en profitons pour déposer une partie des fournitures que nous avions emportées. Les jeunes sont curieux de notre visite qui semble les amuser, mais il ne s'approchent pas trop quand même de ces "vieux hommes blancs". Je rencontre le proviseur du collège, qui, ne parlant pas français m'oriente vers un jeune professeur de mathématiques. Nous échangeons un moment au cours duquel il m'indique manquer de tout. Je lui laisse un lot de cahiers, stylos et crayons en lui laissant le soin d'en faire la distribution. 
Après avoir acheté quelques bouteilles d'eau, nous quittons Tichitt. Trente kilomètres plus loin AGHRJIT: début de la "zone rouge" dessinée par les autorités françaises. Nous y trouvons une palmeraie  cloturée ou nous nous arrêtons pour déjeuner. Le soir nous bivouaquons avant un petit col sableux au milieu des rochers. Nous nous sommes arrétés tôt, ce sera l'occasion d'un peu  de lessive et d'une réparation de roue.
Vendredi 14 Octobre, quarante kilomètres nous séparent d'Aratane et de sa ligne de puits. Mais avant d'y parvenir nous passons par le rocher de Makhrouga, autrement dit "le rocher des éléphants". Il se situe à 5 km au nord/ouest d'Aratane et constitue un des sites les plus remarquables de la Mauritanie. Nous arrivons à Aratane en fin de matinée.  Les bergers abreuvent les dromadaires. Nous restons un moment à observer la remontée des bidons d'eau qui viennent satisfaire la soif des animaux. 

Nous quittons Aratane et ses puits en contournant la falaise par le sud. Aprés déjeuner, nous reprenons notre chemin dans un terrain de dunes et là, devant une énorme cuvette au fond de sable blanc nous voyons Michel qui se jette dans le trou. Certes la pente est très importante, mais elle ne semble pas présenter plus de risques que les dunes que nous avons pu descendre en Libye. Par contre le fond a l'air très mou et la remontée aussi forte que la descente. Un véritable entonnoir. Pas le temps de dire "STOP", il est déjà engagé... et très vite arrêté au fond !
Le temps d'arrêter notre véhicule en sécurité, et nous voilà partis à pied dans l'entonnoir. Michel a déjà sorti ses plaques. Elles permettent de sortir le Mercedes du plus mou, mais il reste toute la remontée.
Nous examinons la configuration de l'entonnoir pour trouver une voie de sortie. "Peut-être par ici à droite". Je monte avec Michel, le véhicule s'élance dans la montée, la pente est forte avec un peu de dévers, mais ça avance. Et puis, soudain la boite automatique semble réfléchir à la meilleure option... trop tard, le véhicule se pose. Chaque nouveau coup d'accélérateur creuse un peu plus le sable.
Nous ressortons les plaques. Après plusieurs essais infructueux nous décidons d'en rester là pour ce soir. Nous sommes épuisés. Rendez-vous est pris pour le lendemain au lever du soleil. Michel reste dans sa cellule en forte pente, je remonte jusqu'au Toy ou Gé m'attend pleine d'inquiétude.
Nous passons la soirée à envisager toutes les possibilités et solutions.
Nous sommes de suite d'accord sur un point :  Si nous n'arrivons pas à extirper le Mercedes de son trou, il n'est pas question que Michel reste seul à attendre un secours que nous irions chercher. Nous partirons ensembles. Toute la nuit le vent souffle soulevant le sable tout au tour de nous. Un gros tas s'est formé à l'arrière du Toy. 
Au matin, je descends dans le trou avec mes plaques. Michel est déjà à pied d'œuvre. Nous passons la matinée à remuer du sable pour essayer de faire bouger le Mercedes. Nous avançons de 2 mètres, reculons d'un, quand ce n'est pas l'inverse. La matinée, puis l'après-midi se passent ainsi sans que nous ne voyions la moindre progression. Peut-être depuis le lever du jour avons nous avancé de 3 ou 4 mètres.
Il en reste trop, les coups de pelle, de râteau, les kilos de sables remués nous ont épuisé, et  l'on sent de plus en plus que nous ne sortirons pas, mais alors ? Que faire ? Michel pense à rester, je refuse cette possibilité, ce qui sous entend qu'il doit laisser sa voiture. Pas facile.
Au soir, c'est comme la veille, Michel reste dans sa cellule en pente, je remonte dans la mienne avec Gé.  Nous continuons à réfléchir sur l'idée de partir avec Michel. C'est pour nous la seule possibilité.
Mais comment allons nous faire avec sa grande carcasse, ses 1m90, ses 90 kilos ? Notre espace est malgré tout  restreint. 2 places à l'avant, un lit de 140 à l'arrière ; tout cela est très confortable à 2 mais à 3 dont un XXL, ça va devenir la crise du logement ! Qu'importe, ce n'est que pour 3 jours, le temps de rejoindre Néma. Sur ces considérations, réflexions et pensées nous nous endormons.
Au matin du 3ème jour, c'est comme la veille, je descends au lever du jour rejoindre Michel. Comme la veille, il est déjà à pied d'œuvre, et décidé. Le Mercedes va rester ici dans l'attente de secours et nous partons donc à 3 dans le Toy.
Pour la route, Michel voyagera devant et Gé à l'arrière, sur la banquette de la cellule. Pour les repas, il n'y a pas de problème puisque nous pouvons très facilement manger à 4. Pour la nuit, c'est là le plus compliqué compte tenu de l'espace, Michel dormira sous notre lit, entre les banquettes et sur les coussins de celles-ci. Et puis comme l'on dit, à la guerre comme à la guerre.
Nous rassemblons tout le matériel de Michel, vestiaire, subsistances nécessaires et nous voilà partis, bien conscients que nous n'avons pas droit à la moindre erreur. La tension est forte, et les nuits n'ont pas suffit à effacer la fatigue accumulée pendant ces 2 jours.
De plus, je dois adapter ma conduite au mieux en pensant à Gé qui voyage sur l'une des banquettes de la cellule, sans la sécurité de la ceinture, le confort du siège avant et la visibilité sur le paysage.

Donc on y va doucement, nous sommes au milieu des dunes, en  d'autres moments, on profiterait du paysage, du plaisir de conduire dans ce merveilleux décor, mais là, rien de tout ça. Il faut faire attention à tout. 
A tout ?
Oui à tout ! Même à la navigation. Le vent de sable à tout effacé. Voulant suivre la trace du GPS au plus près j'ai trop zoomé sur ma carte et suis parti dans le mauvais sens. Bon, retour sur 10 km, heureusement que nous ne sommes pas juste en carburant.
A une vingtaine de kilomètres, nous retrouvons le bord de falaise. Le terrain est plutôt facile malgré une piste souvent peu visible, ou parfois complètement effacée.
Mais c'est comme cela depuis Tichitt. La région est pourtant fréquentée par de nombreux bergers nomades, mais cela ne suffit plus à dessiner une piste permanente. Ce sont donc souvent des bribes de piste. Quelques kilomètres bien marqués, puis une trace qui va en s'effaçant doucement, et puis plus rien pendant un certain temps jusqu'à retrouver trace ou piste.

Sur ce terrain le plus souvent plat, nous progressons tranquillement jusqu'au milieu de l'après-midi, jusqu'au moment où, après le village de Tinigueur, traversant sans doute trop doucement une zone de sable mou, l'arrière du véhicule s'enfonce.

Bien sur, c’est le genre d'incident qui se règle en quelques minutes quand on est plusieurs véhicules et que l'on dispose d'une bonne sangle, mais qui peut devenir une catastrophe quand on est tout seul et que l'on est déjà  au bord de l'épuisement.
Heureusement, le sol est plat, mais mou, très mou, et nous revoilà à ressortir pelles et plaques, et à creuser encore et encore jusqu'au soir.

Au matin nous reprenons notre ouvrage, mais rien ne semble y faire, on creuse, on remet les plaques, on redémarre, mais les pneus n'accrochent pas sur les plaques déjà très entamées pas les attaques des jours précédents. Il faut nous y résoudre, chaque nouveau coup de pelle pour glisser les plaques sous les pneus ne fait qu'enfoncer un peu plus le véhicule. Il est posé sur le pont arrière, les lames et même le pare-chocs arrière. Il faut donc trouver une autre méthode.
Je décide de remonter progressivement les roues arrières avec le cric en empilant, au fur et à mesure, des pierres sous les pneus. Nous remontons ainsi d'une trentaine de centimètres. Puis nous essayons. Cette fois-ci  le Toy sort de son trou, nous allons pouvoir reprendre la piste, mais c'est une journée de plus qui est passée dans cette manœuvre. Le soir, nous avons quand même parcouru 6 kilomètres

Deuxième bivouac à 3. Nous essayons d'améliorer un peu l'installation pour diminuer l'inconfort de Michel. Pour les repas, ça ne se passe pas trop mal, le pare-chocs avant du Toy est généreux, et offre une alternative correcte au fauteuil qu'il nous manque.
Mardi 18 Octobre, nous partons un peu plus tôt. Nous traversons de vastes zones de pâturages. A Oujaf, nous refaisons les pleins d'eau au puits car nos réserves sont au plus bas. Les troupeaux sont nombreux, et nous devons prendre notre tour. Là aussi l'eau se remonte à la force du poignée, et le delou en chambre à air doit bien faire une trentaine de litre. Nous arrivons à négocier la prestation contre quelques Doliprane. Ce qu'il faut pour remplir les réservoirs, contre ce qu'il faut pour calmer une rage de dents. Mais l'un ne durera pas plus longtemps que l'autre ! Puis on roule, on roule, on roule. Aujourd'hui 155 kilomètres au compteur.

Un peu moins de 40 kilomètres pour atteindre Oualata ou nous arrivons vers 9 heures. Le gendarme de service à l'entrée de la ville n'a pas l'air plus surpris que ça, comme si le touriste était fréquent en ces contrées. la fiche, mais pas plus, en tout cas pour les formalités, car il nous aurait bien fourni quelques prestations côté habitat ou restauration. Nous entrons dans le centre ville qui s'éveille et parait désertique. Une visite rapide, le temps de voir quelques unes des portes peintes qui caractérisent la ville et nous quittons Oualata pour Néma.

Dès la sortie de la ville, nous retrouvons une véritable piste avec ses traces creusées dans un terrain sableux, mais aussi avec de la circulation. Bien sûr, ce n'est pas le périphérique parisien ou l'autoroute des vacances, mais nous croisons ou doublons quelques véhicules, ce qui n'était pratiquement pas arrivé depuis Tichitt.
Il parait certain que les déplacements vers Oualata, et en particulier les transports de marchandises se font aujourd'hui par le sud et la route de l'espoir via Néma ce qui rend l'axe Tichitt/Oualata inutilisé en dehors des allées et venues des populations nomades. 
Nous arrivons à Néma vers midi. Nous cherchons tout d'abord un endroit qui pourra nous servir de PC et ou chacun pourra retrouver un peu de confort aussi sommaire soit-il. Nous nous arrêtons à l'hôtel N'Gadi.
Il se situe à la sortie de la ville sur la route de l'Espoir en direction d'Ayoun El Atrouss. L'établissement qui est assez grand comporte une vingtaine de chambres, quelques bungalows, et même une station de lavage. L'ensemble a certainement connu des jours meilleurs à l'époque glorieuse des Paris/Dakar qui ont traversé la Mauritanie.
Après cette installation  sommaire et un déjeuner extrait de la cellule, nous partons avec Michel en quête d'une solution de sauvetage du Mercedes.
En traversant Néma nous avons longé une caserne qui abrite un bataillon d'intervention. L'endroit nous parait idéal pour solliciter une aide. L'entrée est bien gardée, et il n'est pas possible de pénétrer à l'intérieur de l'enceinte. Aprés discussion et attente, nous voyons arriver un jeune sous-officier qui prend notre demande en considération. Il parle un excellent français et semble prêt à nous apporter toute son aide. 
Mais son aide dépend des ordres de ses supérieurs, et après avoir contacté son commandant, il nous explique que, malheureusement, le bataillon d'intervention ne peut pas intervenir. Ce genre de mission n'entre pas dans ses attributions.
Heureusement le jeune sous-officier ne nous abandonne pas. Il nous indique que nous devons nous adresser au Wadi du Hod Ech Chargui. Pour nous les affaires se compliquent. Où allons donc devoir nous adresser ? 
Il nous explique que le Wadi est en fait le gouverneur de la province, qu'il ne se trouve qu'à quelques centaines de mètres de là et propose de nous y conduire.
Décidément, notre moral fait du yoyo. Avec l'expérience de notre administration française, nous nous demandons sous quel délai le Wadi, qui doit être à peu près l'équivalent de notre Président de Région va bien pouvoir nous recevoir.
Je n'ai pas essayé depuis que nous sommes de retour en France de solliciter un rendez-vous avec le président de la région Rhône/Alpes/Auvergne, mais je doute que la réponse soit pour tout de suite.
Hé bien à Néma, c'est pour tout de suite. Nous sommes donc introduits dans le bureau du Wadi, au siège de la Wilaya dans les minutes qui suivent notre arrivée.
Le bureau est spacieux, 3 hommes s'y trouvent déjà : le Wadi, son directeur de cabinet, et puis un autre homme qui restera en retrait et dont nous ne connaitrons pas la fonction.
Nous sommes accompagné par le jeune sous-officier qui restera avec nous durant toute l'entrevue. Nous sommes accueillis avec courtoisie. On nous sert le thé, et le Wadi nous demande l'objet de notre visite.
Nous expliquons. Tout le monde parle un français très correct. A la demande du Wadi, nous indiquons le point de sauvetage. Heureusement, il se trouve bien dans la région du Hod Ech Chargui.
Le Wadi nous indique que nous devons prévenir l'Ambassade France, qu'il va suivre notre problème. Avant la fin de l'entrevue il nous donne les coordonnées d'un homme, guide dit-il, qui doit être susceptible de nous aider. Nous le remercions. L'entrevue prend fin. Nous nous retirons dans le bureau du chef de cabinet. 
Nous contactons  l'Ambassade de France en la personne  du chef de la sécurité. Ses premiers mots seront : "Messieurs, vous vous trouvez en zone rouge". Après une brève discussion sur le sujet, nous lui demandons s'il aurait dans son carnet d'adresse une entreprise ou une institution mauritanienne qui soit susceptible de nous apporter de l'aide. Non, il ne voit pas, mais il va prendre contact avec le consul qui nous contactera.
Quelques temps après, nous serons contactés par le consul qui nous dira, lui aussi, tout d'abord : "Messieurs, vous vous trouvez en zone rouge". puis nous demandera de le tenir informé de la suite de nos démarches.
Il ne nous reste plus que le guide du Wadi puisque à Néma, comme partout ailleurs en Mauritanie, il n'existe pas l'équivalent d'Europe Assistance.
Le soir, pour nous remettre un peu de nos émotions, nous allons diner en ville. Un petit restaurant, mais le repas est bon et copieux. Nous rentrons à l'hôtel, Michel trouve un vrai lit pour se remettre de ses 5 jours de campement de fortune.
Le lendemain, nous partons faire quelques courses et décidons de contacter le guide conseillé par le Wadi. Il est vrai que compte tenu des différents accueils reçus nous n'avons pas d'autre corde à notre arc. L'homme nous demande ou nous nous trouvons et nous propose de nous rejoindre de suite.
Nous terminons nos courses et rentrons à l'hôtel. Il est déja là. Nous nous asseyons dans la cour qu'entourent les chambres. Nous lui exposons notre besoin, mais il est déjà au courant. Nous lui demandons s'il est possible pour lui de prendre en charge le sauvetage du véhicule. Sa réponse est positive. Son français est parfois hésitant, mais le ton est calme, tranquille, posé. Michel s'inquiète des moyens qu'il va utiliser. Il répond qu'il connait bien la région et les gens qui l'habitent et qu'ils ont l'habitude de ce genre de situation qu'ils ont des plaques, qu'ils utilisent de l'eau, qu'il y a du monde sur place. Nous abordons l'aspect financier. Il propose la location d'un 4x4, le carburant, une enveloppe pour "la prestation", dirons nous. Il prévoit 6 jours pour l'aller/retour et le sauvetage.
Nous sommes d'accord sur l'ensemble. D'ailleurs avons-nous un autre choix que d'accepter cette proposition qui est au demeurant fort raisonnable compte tenu de notre situation.

Nous continuons de discuter avec cet homme. Il téléphone à quelqu'un, et me tend le téléphone. le correspondant qui est à Nouakchott connait bien notre homme à qui nous pouvons, selon lui, faire confiance. Nous avons une conversation courtoise. Je rends le téléphone. Il avait besoin je crois de faire confirmer sa crédibilité par quelqu'un de notoire puisque notre correspondant est parait-il journaliste.
Je me dis depuis son arrivée que cet homme n'est pas un simple guide. Par son discours, sa prestance, les relations qu'il semble avoir avec le Wadi qui nous l'a conseillé, il me parait être très au dessus d'un simple prestataire. Quel est son rang ? Je l'appellerai CHEIKH.

Après avoir accepté, nous passons aux détails pratiques. Cet après-midi, il s'occupera du véhicule, du carburant, du personnel, du ravitaillement. Nous nous retrouverons aussi dans l'après midi pour le paiement, et nous partirons tôt demain matin. Puis il repart à ses affaires.

Nous nous retrouvons avec Michel et Gé. Bien sûr, Tout cela parait un peu flou au vu de la tache à accomplir, comment cet homme va-t-il s'y prendre pour réussir là ou nous avons échoué ? Sans beaucoup de moyens supplémentaires. Mais aussi avons-nous d'autres possibilités que de lui faire confiance et nous en remettre à sa connaissance du terrain, de la région et de la population.
Il nous parait sûr qu'il ne pourra pas aller chercher l'hélicoptère auquel Michel à pensé un instant. Mais s'il faut aller chercher 50 dromadaires pour sortir le Mercedes de son trou, il en sera certainement capable.

L'après-midi nous sortons pour troquer quelques euros contre des ouguiyas. La chose peut paraitre simple, mais en Mauritanie, on peut changer de l'argent partout, sauf dans les banques. Nous nous orientons donc vers les guichets de transfert d'argent style "Western Union" qui  fleurissent au 4 coins de la ville et retrouvons finalement CHEIKH qui nous trouve la bonne adresse.

Le jour suivant est le Vendredi 21 Octobre. Dans tout l'Islam, c'est le jour de la prière. Mais ici, à Néma, pour CHEIKH et ses hommes, ce sera le jour de l'expédition. Vers 7 heures arrive le 4x4, c'est un Toyota, un Landcruiser comme tous les 4x4 Toyota. Mais pour les connaisseurs, un HZJ 79 à savoir moteur diesel 6 cylindres en ligne, un truc qui aujourd'hui remplace plusieurs dromadaires et peut vivre plus d'un million de km. c'est un pick-up simple cabine, c'est à dire qu'il n'y a que 3 places... et encore. Ils sont 4 à bord, CHEIKH, le chauffeur Mohammed, le cuisiner Baboh et l'homme à tout faire Kader, le plus jeune de l'équipe. Il va falloir se serrer.
Le pick-up est déjà bien chargé. La benne est pleine. Mais qu'y a-t-il donc sous le filet ? Tout le monde embarque : Mohammed au volant, moi à coté avec mon GPS, et CHEIKH. Michel (oui, celui en jaune sur la photo) commence dans la benne, enfin plutôt sur les marchandises avec Baboh et Kader. Et c'est parti ! Nous quittons l'hôtel et Gé qui attendra notre retour sans pouvoir participer à l'expédition. Nous traversons les faubourgs Nord de Néma et effectuons un premier arrêt. Nous tournons un moment au milieu des commerces ambulant qui viennent d'ouvrir et CHEIKH achète du pain et sélectionne une dibiterie pour approvisionner un copieux lot de mouton. Nous repartons. Nouvel arrêt un peu plus loin pour embarquer 3 ou 4 voyageurs supplémentaires ( Ici, on ne voyage pas à vide !). Cette fois,  nous prenons la piste cap Nord/Ouest. Tinigueur se trouve un plus à l'ouest, mais il faut
compter avec le relief et le sable. Sortis de Néma, on comprend que Mohammed connait son affaire. Le sol est plat et sans obstacle et très vite le compteur indique 80 km/h. Je pense à Michel accroché à son filet. Au bout de quelques dizaine de kilomètres, premier arrêt dans un hameau pour récupérer 2 vieilles plaques à sable. Elles sont coupées en 2 dans la longueur. Un peu plus loin, nouvel arrêt. CHEIKH  distribue à chacun une brique de 1/2 litre de lait, une galette de pain et une portion de Vache qui Rit. Je m'étais promis avant le départ, d'accepter, manger et boire tout ce que l'on me proposerait. Il est donc temps de tenir ma promesse, car il est vrai qu'en dehors de la galette de pain, je ne raffole pas des autres denrées.
Je ne sais plus si c'est lors de cette halte ou d'une suivante que Michel négocie la place dans la cabine qu'occupait CHEIKH à coté de moi. Il en peut plus le pauvre accroché à son filet, sautant sur les sacs, les bidons, les nattes et autres accessoires qui constituent le chargement. Il faut que CHEIKH ait pitié de lui, car il semblait au départ attaché à cette place à l'abri du vent que personne, dans son groupe, ne semblait prêt à lui contester. Personnellement, je ne gagne pas au change, car Michel est beaucoup plus encombrant que CHEIKH, et mon espace s'en trouve nettement réduit.
Vers midi, nous nous arrêtons à l'ombre d'un acacia. Tout le monde descend. Les nattes sont installées. Les deux femmes du convoi s'installent un peu à l'écart et seront servies pas les hommes. Baboh et Kader préparent le feu, le thé, mais aussi un breuvage composé de lait concentré en boite et d'eau. Après tout cela, Baboh s'occupe de la grillade de mouton. Un moment de repos en attendant la prière, et puis nous repartons.

Nous serons bientôt arrêtés par une crevaison. La réparation est promptement menée par Mohammed, Baboh et Kader. Pendant que l'un desserre la roue, l'autre sort le cric, pendant que l'un sort la roue endommagée l'autre a attrapé la roue de secours, pendant que l'un remonte la roue, serre les boulons et défait le cric, les deux autres ont démonté la roue crevée, remplacé la chambre à air, remonté la roue. Ouf, presque moins de temps pour le faire que pour l'écrire. On refait  la pression et on repart.
La conduite de Mohammed est étonnante. Pour nous qui venons ici pour le plaisir de rouler dans le sable et qui considérons avoir une petite expérience, c'est une vraie leçon. Sur toute la distance parcourue, les 4 roues motrices et les vitesses courtes ne sont utilisées que très occasionnellement. Pendant ces courts épisodes, Mohammed accélère de façon saccadée et rapide sans qu'aucun sursaut ne soit ressenti. Pour nous cela parait très bizarre, mais bigrement efficace.

Nous roulons encore, le rythme est soutenu, mais l'on sent que Mohammed est expérimenté et prudent. Sa conduite est efficace et il connait bien le terrain. Et puis soudain il quitte la piste. Mais où va-t-il donc ? Nous apercevons quelques oiseaux. Oui, c'est cela, il part à la chasse. Déjà, ce matin, j'avais observé un fusil rangé contre son siège, le long de sa portière. J'avais interrogé CHEIKH qui m'avait dit qu'effectivement, il y avait du gibier. Mais je ne pensais pas assister si tôt à une partie de chasse.
Mohammed contourne lentement les quelques oiseaux qui ont l'air de vouloir se cacher. Plus rien ne bouge, et Mohammed roule encore un peu le fusil sur ses genoux. Puis il s'arrête. Sans même épauler, il tire. Deux oiseaux restent au sol. Les autres s'envolent un peu plus loin. Nous continuons. Nouvel arrêt, nouveau coup de feu, un autre oiseau reste au sol. Baboh les récupère, les vide, et nous repartons.
La nuit tombée, nous continuons de rouler. Nous sentons Mohammed fatigué, sa conduite moins sûre. Il semble quitter son cap et se diriger un peu trop vers l'ouest. Il est difficile de se faire comprendre car il me parle pas notre langue. Par signe nous lui montrons ce qui nous semble être une erreur de navigation. Dans la nuit, il est si facile de s'égarer. Mais bientôt, le véhicule s'arrête. Nous sommes un peu avant les puits d'Oujaf, à un autre puits. Une bâche est dépliée au sol et Baboh et Kader prélèvent quelques sacs de notre chargement et les déposent au sol. Une partie de notre marchandise est livrée. Nous en profitons pour nous rafraichir au puits car la température est encore élevée. 
Nous repartons et passons les puits d'Oujaf. Vers 20h30 nous nous arrêtons à un campement. Mohammed repart seul pour livrer le reste de son chargement, et nous restons avec CHEIKH, Baboh et Kader. Nous avons parcouru près de 200 kilomètres.
Michel et moi sommes épuisés. CHEIKH étend une natte, nous aide à monter les 2 lits de camp qu'il a prévu pour nous.
 Je m'endors de suite. J'ai du mal à évaluer le temps. Un peu plus tard, une odeur me réveille. CHEIKH et Baboh sont à côté de moi. L'odeur est très agréable. "Dominique tu veux manger ?". Ces gens sont incroyable de sollicitude et de gentillesse. Je me redresse lentement. Ils me présentent un grand plat. Je n'arrive pas à définir l'odeur. Je plonge 3 doigts dans le plat, les porte à ma bouche, c'est délicieux. Ce sont des pâtes. Je ne sais pas comment elles sont cuites, dans du lait peut-être, mais je trouve des morceaux des oiseaux que Mohammed a tué quelques heures plus tôt. Je ne tarde pas à me rendormir jusqu'à ce que la fraicheur matinale ne me réveille. Tout commence à bouger dans le campement. Les bêtes ne sont pas loin, on entend les moutons, les chèvres, les dromadaires. Baboh revient avec une grande bassine de lait de chamelle. Le thé est versé dans un verre, puis dans un autre, puis revient dans la théière, plusieurs
fois jusqu'à être mousseux. Chacun boit à son tour dans les deux ou trois verres disponibles. Le soleil se lève à l'horizon, et bientôt nous entendons le bruit du pick-up qui s'approche. Mohammed revient de ses livraisons nocturnes. La benne est pratiquement vide, seuls subsistent les quelques bidons de gasoil nécessaires à la fin de notre expédition. 
A 6h30, tout le monde embarque et nous repartons à la recherche du Mercedes perdu. Quelques tours de roues plus loin, nous nous arrêtons à un nouveau campement. Nous embarquons 2 autres assistants ainsi que 2 plaques à sable supplémentaires. L'arrêt est rapide, et nous atteignons Tinigueur 
vers 8h30. Nous remplissons quelques bidons d'eau pendant que CHEIKH bavarde avec un vieil homme qui parait être le chef du village. Sans aucun doute, ces deux hommes se connaissent bien. Après cette dernière halte et alors que nous roulons tranquillement, un mouvement de folie semble s'emparer de nos compagnons. Là ! me dit Michel en me montrant vers la gauche un petit animal qui détale au loin. Il me semble voir un lièvre, mais non, il s'agit d'une petite gazelle. La poursuite s'engage, la vitesse augmente, le pick-up saute sur les cailloux. L'animal se sauve dans des changements de direction rapide. Le terrain lui est favorable, et il ne se soucie guère des rochers qui entravent la progression de notre véhicule. Enfin Mohammed ralentit et rebrousse chemin. CHEIKH remet son fusil dans sa housse et nous reprenons notre rythme. Bientôt, nous sommes au dessus du Mercedes qui nous attend depuis une semaine pendant laquelle nous avons parcouru 800 kilomètres.
L'équipe descend dans la cuvette pour examiner la situation et les aides descendent les plaques à sable. Pour ma part, sans trop d'énergie, je reste sur le haut de la cuvette. Je vois CHEIKH qui discute avec Michel, Baboh et Mohammed. Puis, je le vois descendre le Mercedes au fond de la cuvette en suivant les indications de Baboh.
A cet instant, je remonte tranquillement  jusqu'au pick-up et m'assois en attendant la suite des opérations.
Mais l'attente est brève, j'entends le bruit du moteur du Mercedes qui ronfle au loin, puis très prêt. Je regarde à ma gauche. CHEIKH vient de garer le Mercedes à côté du pick-up. Il descend, je m'approche de lui, nous nous tapons dans la main dans un grand éclat de rire. C'est vrai, cet homme connait ce terrain, Il connait le sable. Entre le moment ou nous nous sommes arrêtés et l'instant ou il vient de se garer, vingt minutes se sont écoulées. 
Les aides remontent les plaques à sable qui n'ont pas été utilisées. Miche remonte fatigué mais heureux d'avoir enfin récupéré son véhicule. Nous repartons par le même chemin mais à deux véhicules. Un peu plus loin, nous  nous arrêtons pour déjeuner sous un acacia. 
Tout le monde est satisfait mais fatigué. Chacun s’allonge sur les nattes, sauf Baboh et Kader qui préparent le thé et le repas. L'après-midi nous roulons. CHEIKH nous montre une ancienne piste d'atterrissage qui a été construite et utilisée pendant la seconde guerre mondiale. Des flèches et le nom du lieu  sont dessinés en gros caractères avec des cailloux sur le sable : BOUZIB. Nous repassons par Tinigueur. CHEIKH tire plusieurs coup de fusil pour fêter sa "victoire" et certainement marquer sa position. Ils doivent être peu nombreux ici à posséder une arme. Nous remplissons une poche à eau à la fontaine du village. Elle sera livrée au prochain campement. 
Le chef du village nous donne quelques pastèques qui poussent ici. Un peu plus tard dans l'après-midi Mohammed tuera encore deux oiseaux. Ils sont différents de ceux de la veille, un peu plus gros. Nous roulons encore jusqu'à la nuit et bivouaquons dans un nouveau campement. Les hommes déchargent l'outre d'eau. Elle doit au moins contenir 500 litres. Baboh cuisine les oiseaux tués l'après-midi avec des pates, la recette est différente de la veille, mais c'est toujours délicieux. Nous nous endormons encore sous les étoiles. Au petit matin nous retrouvons le thé et le lait de chamelle.
Nous replions nos lits de camp. Pendant ce temps Mohammed embarque des moutons, et Kader court dans le troupeau avec le berger pour en trouver un ou deux de plus. Il est encore très tôt, mais les enfants sont levés. Une petite fille, curieuse de ces inconnus joue un moment à cache-cache avec moi



A 7h30, nous nous mettons en route. Quatre moutons ont été embarqués et une femme et son bébé ont pris place à côté de Mohammed. L'enfant est malade et elle le conduit à l'hôpital à Néma. Le pick-up sert aussi d'ambulance. Depuis que le Mercedes a été récupéré, je voyage avec Michel, et ma position est nettement 
plus confortable. Nous suivons Mohammed. Le chemin emprunté est sensiblement  celui de l'aller. Le plus direct pour retourner à Néma. Dans la matinée, nouvelle partie de chasse, et comme à l'habitude, Mohammed fait mouche. Le repas de midi est assuré. Mais avant cela, nous faisons un nouvel arrêt. Un tas de sacs est entreposé sur le bord de la piste. Ils sont promptement chargés dans le pick-up. Il s'agit d'amersal, des cristaux de sels qui se fixent dans la couche d'argile superficielle des sebkha. Ce genre de sel n'est pas utilisé pour la cuisine, mais il fait le bonheur des dromadaires. A 12h30 nous avons fait la moitié du parcours. Nous faisons la pause déjeuner, toujours sous un acacia, et ce sont toujours Baboh et Kader qui préparent le thé et le repas. Comme prévu, l'oiseau du matin fini dans le plat de pâtes. Vers 14h30, nous reprenons la piste, et si nous gardons notre allure, nous pouvons être à Néma ce soir. La piste défile sans réelle difficulté. Mohammed connait le terrain et nous  n'avons pas à chercher notre direction Nous atteignons Néma vers 18h30. Nous déposons d'abord Baboh à l'entrée de la ville, puis nous quittons Mohammed, Kader et CHEIKH un peu plus loin.
Voilà, leur mission est accomplie, Je ressens une certaine émotion en quittant ces hommes. CHEICKH a rempli son contrat : Michel a récupéré son Mercedes sain et sauf dans les conditions qui avaient été fixées. Mais ce n'est pas seulement cela. Il se sont occupés de nous, Ils ont pris soin de nous avec attention, s'assurant toujours que nous ne manquions de rien alors que eux souvent manquent de beaucoup de choses. Il ont toujours été agréables et souriants. Merci à eux.
Nous terminons cette aventure en retrouvant Gé à l'hôtel N'Gadi. Elle est toute étonnée de nous voir arriver si vite. La moitié du temps prévu. Nous passons la soirée à relater notre expédition, le voyage, la vie avec les nomades, la récupération du véhicule. Depuis notre départ, nous avons parcouru très exactement 647 kilomètres, et ce soir nous ne dormirons pas à la belle étoile.
Nous avons prévu de quitter Néma dans la matinée. Pendant notre absence, Gé a remis de l'ordre dans la cellule. Après les jours passés depuis Aratane, Il y en avait bien besoin ; le vent de sable, la vie à 3 dans notre petit espace, notre plantage, tout cela avait mis pas mal de bazar.
CHEIKH vient nous voir en début de matinée. C'est le moment des adieux. Il reste un long moment à bavarder avec nous, et puis s'en va pour aller prendre des nouvelles de la femme et du bébé que nous avons ramenés hier. Je rappelle notre interlocuteur à l'Ambassade de France pour lui faire part de la réussite de notre expédition. Je pense qu'il peut classer son dossier, mais non, pas encore, nous sommes toujours en zone rouge. Je promets de le recontacter quand nous en serons sortis. 
Michel va chercher du carburant, nous faisons quelques courses à la sortie de Néma. Nous prenons la route de l'Espoir et retrouvons notre vie de nomades européens. Par endroits, la route est en plus mauvais état que les pistes que nous avons parcourues. Des nids non pas de poules, mais d'autruches nous obligent parfois à quitter ce qui reste de goudron pour rouler sur une piste qui s'est créée tout à côté. Décidément, la route nous parait bien plus dangereuse que la zone rouge ! Timbedgha, Aouînât Ez Zbil, nous avons parcouru 190 km avant le bivouac. 
Mardi 25 Octobre. Nous arrivons à Ayoûn El Atroûs en fin de matinée. A la sortie de la ville nous prenons la piste vers le guelb Samba. L'endroit est très agréable, nous y faisons notre pause déjeuner puis partons à la recherche d'une jolie guelta. Mais nous ne faisons qu'une incursion sur cette piste qui semble s'enfoncer plus profondément dans l'Aouker.
Nous reprenons la route de l'Espoir et campons un peu avant Tintane.
Nous ne traversons pas Titane car une déviation évite la ville. C'est, pour le moment le seul contournement que nous rencontrons sur notre itinéraire. Une cinquantaine de kilomètres plus loin, nous  sommes tout proches de deux gueltas indiqués pour la présence de crocodiles. Elles étaient prévues à notre programme et sont assez proches de 
la route. La première se trouve à 5 km. Nous trouvons une piste qui part de la route, mais qui très vite se perd. Nous continuons dans un paysage de savane avant d'arriver sur une grande guelta dans laquelle quelques vaches prennent leur bain. Mais ce n'est pas encore celle-là. Nous continuons, mais à 500 mètres du lieu nous ne pouvons plus avancer.
 Nous continuons à pied, mais très vite nous constatons qu'il n'y a rien, ni guelta, ni crocodile. Enfin, nous avons encore une chance. Le terrain est compliqué. Parsemé de rochers de toutes tailles, d'oueds  et de saignées provoqués par les intempéries. Là aussi nous devons terminer notre exploration à pied. Nous sommes accompagnés par 3 bergers qui connaissent effectivement le lieu et nous y conduisent.
 Cette fois, il y a bien une guelta, mais elle est de taille modeste, et là non plus, malgré l'aide de nos jumelles nous n'apercevons aucun crocodile. Nous repartons tranquillement vers la route et bivouaquons avant de l'atteindre.

Jeudi 27 Octobre. Encore 100 km et nous arrivons à Kiffa. Je ne dirais pas que nous connaissons bien la ville, mais nous y sommes déjà passés plusieurs fois. Nous nous arrêtons au carrefour  des  routes venant de Néma, Tidjikdja et Aleg. La zone, à défaut d'être rouge est très commerçante et nous permet de reconstituer les stocks. Mais nous souhaitons aussi changer quelques euros contre des ouguiyas. Nos porte-monnaie mauritaniens atteignant la côte d'alerte. A force de questionner les uns et les autres et d'essuyer divers refus auprès des boutiques de transfert d'argent et des banques, nous apprenons qu'un "guichet de change" existe à l'épicerie. Nous nous y rendons et effectivement, après être passé dans l'arrière-boutique, la discussion s'ouvre. Le banquier/épicier essaie de justifier son cours misérable par le cours de l'euro, le risque qu'il a acheter une devise qui n'en fini pas de baisser.... Las, nous gardons nos euros, et lui ses ouguiyas. Nous verrons bien plus loin, et nous
reprenons la route. La  journée se termine après Magta Lahjar. Mais quel cataclysme a donc frappé cette ville ? Dire qu'il n'y a plus de route est peu dire. Le goudron est parti depuis longtemps, et se sont formés des trous profonds et des bosses à l'image de ces trous. Il ne manque que la pente et la neige pour transformer le lieu en piste de ski acrobatique. La circulation est à l'image du lieu. Chacun évite ce qu'il peut, des Mercedes hors d'usage aux camions surchargés et autres charrettes tirées par des bourricots à la peine. On n'ose pas s'imaginer une seconde ce que doit être la circulation par temps de pluie.
Ouf, nous nous extirpons de ces lieux. La première piste à droite nous offre un havre de paix et un coin de bivouac agréable après plus de 300 km de route.
Le 28, nous parcourons encore 300 km  : Aleg, Boutilimit, nous nous arrêtons à une soixantaine de km avant Nouackchott afin d'éviter une zone trop fréquentée. Nous traversons un hameau et nous enfonçons un peu dans les terres. nous nous posons sur un ancien campement nomade. L'endroit est tranquille, mais sans intérêt particulier.
Nous quittons le campement vers 8 heures. Hier soir, Michel avait repéré un point d'eau en traversant le hameau. Nous nous y arrêtons donc et faisons les pleins de nos réservoirs. Nous prenons ensuite la direction de Nouakchott. Au fur et à mesure que nous approchons de la capitale, la circulation s'intensifie. Il faut prendre son temps dans ce flot de vieilles Mercedes qui circulent dans tous les sens. Les règles de circulation échappent à notre logique d'européens. Mais, bon, on s'en sort quand même.

Nous n'avons toujours pas réglé notre besoin de devise locale. Il faut donc trouver une solution tant que nous sommes dans la capitale.  Nous approchons du quartier des ambassades, passons devant l'Ambassade de France. Dommage, nous sommes samedi, sinon nous aurions pu leur faire une petit coucou pour les rassurer. Ici, il n'y a plus de doute, nous sommes bien sortis de la zone rouge. Nous nous arrêtons quand même pour savoir s'il y aurait un bureau de change dans le secteur. Dommage, à l'entrée aucun des gardiens ne parle français. C'est un comble, mais il faut bien faire travailler les populations locales. 
Nous tournons un moment dans le secteur, trouvons quelques officines. Non, toujours pas de change. Et puis un homme nous aborde. Du change ? oui c'est possible. Combien ? Le taux ? Nous nous mettons d'accord. Ha oui, mais il n'a pas assez d'ouguiyas sur lui. Il prend un taxi et nous promet de revenir rapidement. Nous allons faire quelques courses au bout de la rue.  Quand nous revenons avec nos filets garnis,  notre homme est là. 
La transaction s'effectue. Le cours est correct. Rien à voir avec celui de Kiffa. Décidément, ce pays est plein de surprises ! Nous allons ensuite faire un tour au port de pêche. Tiens, les choses ont changé,  l'entrée est maintenant payante ! Nous nous garons, traversons les bancs de poisson et sommes assaillis par les marchands de toute sorte. Nous faisons un tour jusqu'à la plage. Au retour c'est pire. 
Il faudrait tout acheter à tous. C'est épuisant, nous partons sans poissons. Nous laissons une poignée d'ouguiyas à la station service, et reprenons la route cap au nord. Depuis Néma nous avons parcouru près de 1200 km et il en reste plus de 400 pour rallier la frontière. Comme il nous reste encore quelques jours avant d'avoir épuisé notre visa, nous envisageons une rapide incursion sur le banc d'Arguin.
Après un bivouac  à quelques distance de la route, nous nous dirigeons vers la côte et le banc d'Arguin. Le terrain est relativement plat et sans réelle difficulté, nous coupons en hors piste en évitant les quelques reliefs dunaires. Nous arrivons à Iwik alors qu'une lanche décharge son chargement de poissons. Apparemment la pêche a été fructueuse car un pick-up est vite chargé de la cargaison de mulets. Un homme nous interdit de photographier. Dommage, car nous aurions aimé faire une promenade en lanche.
Nous repartons un peu déçu de cet accueil qui n'a rien avoir avec celui que nous avions reçu lors d'un précédent passage. Nous longeons la côte jusqu'au cap Tafarit. Je passe une partie de l'après-midi à la pèche et reviens avec trois bars mouchetés. Ils ne sont pas très gros, mais suffisent à notre diner. 
Le  31, nous rejoignons la route, faisons un détour par Chami pour quelques courses et remettons cap au nord. Nous avons décidé de terminer notre voyage au Cap Blanc. C'est un de ces bout du monde qui contrôle l'entrée de la baie du Lévrier. A l'intérieur de la baie, Nouadhibou avec ses ports de pêche et ses usine à poissons et Cansado et son terminal minéralier. C'est ici que les trains de la SNIM viennent déverser leurs lourds chargement de minerai de fer en provenance de Zouerate. Pas besoin de panneau pour indiquer l'usine. La poussière dégagée par le retournement des wagons suffit à la situer. Mais son accès n'est pas autorisé. Après un petit tour dans Nouhadibou, nous arrivons au pied du phare. Comme souvent,  nous sommes les seuls touristes. Nous avons donc le choix de l'emplacement. Comme sur toute la côte, le lieu est venté, et nous essayons de nous protéger un peu à l'abri des anciens bâtiments.

L'après-midi je retourne à la pêche sans succès, et le soir nous fêtons l'anniversaire de Gé. Au menu foie gras, champagne et babas au rhum. L'ensemble a parcouru 8 000 km et à certes été un peu secoué, mais reste tout à fait agréable à déguster après ce mois d'aventures. 
Le 2 Novembre, nous quittons le cap Blanc, traversons Nouadhibou qui se réveille. Quelques kilomètres et quelques coups de tampons plus tard, nous quittons la Mauritanie et sa zone rouge sans encombre.



Le diaporama, c'est ICI